30/05/2017
Virginie Despentes : Vernon Subutex 3
Virginie Despentes (pseudonyme en référence aux Pentes de la Croix-Rousse, quartier de Lyon dans lequel elle a vécu, avant de s'installer à Paris), née en 1969 à Nancy, est une écrivaine et réalisatrice française. Elle est également, à l'occasion, traductrice et parolière. A quinze ans, elle est internée en hôpital psychiatrique, à dix-sept ans en faisant du stop, elle est victime d'un viol. Au même âge, après avoir passé son baccalauréat en candidate libre, elle quitte Nancy et s'installe à Lyon où elle multiplie les petits boulots : Femme de ménage, prostituée dans des salons de massage et des Peep-shows, vendeuse chez un disquaire, puis pigiste pour journaux rocks et critique de films pornographiques. Virginie Despentes est « devenue lesbienne à 35 ans », selon ses propres termes.
Enfin ! Je commençais à m’impatienter, après deux volumes parus dans la foulée, ce troisième tome de la trilogie nous aura fait attendre deux ans. Je craignais que ce soit rédhibitoire mais Virginie Despentes s’en sort haut-la-main.
Alors que dire de ce dernier épisode ? Les deux précédents sont chroniqués ici et celui-ci s’inscrit dans la lignée des autres. Une intrigue qui tient la route – errances de Vernon à travers la France, faux guru et gentil DJ, sa clique excentrique et marginale etc. – mais qui n’est en fait qu’un prétexte pour peindre une fresque sociologique et politique de notre société. Je ne reviens pas sur la comparaison avec La Comédie humaine de Balzac…blablabla… ni tout ce que j’ai déjà dit du tome 2 car on retrouve tout les éléments dans cet ultime jet. Despentes excelle à croquer les petites gens et les exclus/marginaux de nos sociétés tout en ayant une profonde empathie pour ses personnages, même s’ils ne sont pas toujours fréquentables. Personnages très réussis, mais les situations et les microcosmes sociaux ne le sont pas moins, tous sembles familiers à l’auteur et sont pleins de vérité.
Quant au fond, le portrait ou plutôt la fresque de la société française d’aujourd’hui (attentat du Bataclan inclus), il prouve que Despentes à un regard acéré, dur et lucide sur le monde dans lequel nous vivons. N’hésitant pas à faire dire à ses acteurs ce que beaucoup pensent tout bas, ou tout haut et ça fait mal à lire mais c’est hélas le reflet d’une vérité actuelle (racisme, islamisme, féminisme, machisme etc.) Despentes met les pieds dans le plat. Tous les sujets sociétaux sont abordés, par petites touches : on croit lire un roman léger (et très bien écrit) par son ton mais nous sommes en présence d’un bouquin lourd de sens. Le lecteur n’est pas obligé d’être d’accord avec tout ce qui y est dit, mais tout ce qui y est dit s’entend dans les bistros et sur les marchés.
En toile de fond de ce roman nous retrouvons la culture rock chère à l’écrivain et le name dropping (noms d’artistes et de marques) qui reste un marqueur fort de son époque.
Un très bon roman dont même l’épilogue, futuriste et extravagant, est réussi.
« C’est le monde maintenant. Il est devenu comme ça. Dès qu’on entend une sirène de pompier, on ouvre son fil d’actualité juste pour vérifier qu’il ne se passe rien de grave. Léonard est soulagé, lorsqu’il ouvre Twitter, de voir que les gens ne sont pas en train de parler d’un truc atroce qui vient juste d’arriver. On vit avec l’idée qu’il peut se passer quelque chose de grave. On prend les transports en commun, on se met en terrasse pour fumer une clope, on va voir un concert. On va danser. Et on sait désormais que parfois, on ne reviendra jamais chez soi. »
Virginie Despentes Vernon Subutex 3 Grasset - 399 pages –
07:18 Publié dans Français | Tags : virginie despentes, balzac | Lien permanent | Commentaires (2) | Facebook |